On me traite toujours d’inconnue, je n’en peux plus ! Au début je me disais que c’était parce que j’étais à la fin, que je me traînais un peu derrière les autres. Pourtant ce n’est pas moi la dernière, c’est z et lui, il est bien plus tranquille que moi.
Pour ma part, il faut toujours qu’on me trouve une valeur, c’est vachement humiliant. Pour y c’est pareil, il en est presque au bord de la dépression et il est moins sollicité que moi. Certes, lui aussi on le factorise, on le développe, on le soustrait et on le divise. Mais pas autant que moi, l’Inconnue avec un grand I.
Je discutais avec a et b l’autre jour et on a décidé de faire une pétition : que d, e, f et toutes les autres jusqu’à v qui ne fichent strictement rien de leurs journées soient sollicitées à nos places au moins le weekend. Comme ça on soufflerait un peu nous aussi.
Malheureusement le Comité des Lettres Mathématiques n’a rien voulu entendre. Cela bousculerait trop la coutume calculatrice des gens, nous a-t-on dit. Y en était en larmes, il est trop sensible Y.
Maintenant je me dis : va falloir s’en faire une raison et se focaliser sur le positif. Au moins les gens s’intéressent à moi, je les intrigue, je leur donne des maux de tête et des frissons de plaisir quand on trouve ma valeur. Et je ne parle même pas de ce qui se passe quand on me triple, c’est d’une jouissance, je peux vous assurer que là je me lâche !
C’est comme me disait Y l’autre jour – il est très sage Y – vaut mieux être une grosse inconnue overbookée et surmenée qu’une grande oubliée comme k qui n’intéresse personne. Elle, en plus, quand on la double, ça ne sent pas bon.
Bref, avec tout ça, j’ai besoin d’un câlin, je vais chercher o, quand il se colle à moi, il me donne toujours le sourire.
xoxo
Ce texte constitue le quatrième et dernier volet d’un projet que j’ai baptisé Pli sélectif (les premières tentatives sont ici et par ici et encore ici) et qui vise à regrouper plusieurs objets trouvés dans les rues de nos villes et à leur donner une fonction artistique. On commence d’abord par marcher longuement, patiemment, la tête penchée, le regard rivé au sol. Avec un peu de chance, on trouve ce que l’on cherche : un bout de papier de la taille d’une carte bancaire, dont la couleur, l’inscription ou la fonction d’origine intrigue. On ramasse, on regarde attentivement, on lit plusieurs fois ce qui est inscrit dessus. On se laisse inspirer. Par le bout de papier, par l’endroit de la trouvaille, le temps qu’il fait ce jour-ci, l’humeur du promeneur ou bien d’autres détails fugaces mais délicieusement importants. Le texte final est écrit à la main sur du papier recyclé. La couverture du petit livre qui en résulte aura intégré l’objet trouvé. Lire le texte en regardant de temps en temps l’objet sur la couverture.
j’espère que on t’as donné un câlin et un sourire ?
🙂 tout à fait !
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