C’est une route à la campagne avec arbre. Estragon essaie à nouveau d’enlever sa chaussure. Entre Vladimir.
Estragon (en levant les yeux vers Vladimir) : Te revoilà, toi ! Je te croyais définitivement parti.
Vladimir : Non. Je suis revenu.
Estragon (s’acharnant à nouveau sur sa chaussure) : Et bin, ça me fait plaisir de te revoir.
Vladimir (regardant rêveusement l’arbre) : J’en ai marre d’attendre.
Estragon : C’est la chaussure qui me fait mal.
Vladimir : L’attente fait pourtant la saveur de la chose qui finit toujours par arriver.
Estragon : Il y a quelque chose de coincé dans ma chaussure, ça me fait terriblement mal.
Vladimir : Mais bon, c’est quand-même long d’attendre.
Estragon (soulevant la jambe) : Tu ne veux pas m’aider à la retirer ?
Vladimir (n’entend pas) : Et puis, qu’est-ce qu’on fait, en attendant ?
Estragon (plus fort) : Tu ne veux pas m’aider à la retirer ?
Vladimir (se retourne) : Qu’est-ce que tu fais ?
Estragon : J’essaie de retirer ma chaussure. Tu ne veux pas m’aider ?
Vladimir s’acharne sur la chaussure d’Estragon. Gémissements. La chaussure s’enlève, une balle de ping-pong jaillit de l’intérieur et cogne violemment le front de Vladimir. Cris. Estragon est renversé par terre, sous l’arbre.
Estragon : Merci Didi.
Vladimir : Je t’en prie Gogo.
Estragon : J’ai faim.
Vladimir : La nuit ne viendra-t-elle donc jamais ?
Estragon se lève, remet sa chaussure, regarde autour. Vladimir regarde le ciel.
Estragon (qui a trouvé la balle de ping-pong) : J’avais une balle de ping-pong coincée dans ma chaussure.
Vladimir : La nuit ne viendra-t-elle donc jamais ?
Estragon : Elle est vachement ronde !
Vladimir : J’en ai marre d’attendre.
Estragon (qui réfléchit) : Beaucoup de choses sont rondes.
Vladimir : C’est long d’attendre. Je m’en vais.
Estragon (bondit, balle de ping-pong à la main) : J’ai trouvé Didi !
Vladimir : Je m’en vais.
Estragon : J’ai trouvé Didi. Beaucoup de choses sont rondes. Et on habite la planète Terre. Est-ce que la Terre est ronde parce que ses habitants ont la tête ronde ou est-ce qu’on a la tête ronde parce qu’on habite sur Terre ?
Vladimir : C’est long.
Estragon : C’est ça la question ! J’ai trouvé la question Didi.
Vladimir (retire son chapeau, regarde à l’intérieur, cherche quelque chose) : Et la réponse ?
Estragon : On s’en fout de la réponse, c’est la question qui compte.
D’après, de loin, Samuel Beckett, En attendant Godot
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Godot… Je me disais aussi… Bien sûr.